De nombreux pans de la société sont aujourd’hui révolutionnés par les innovations technologiques utilisant l’intelligence artificielle (IA). Si la médecine n’y fait pas exception, ce sont particulièrement les problématiques liées aux cheveux et au cuir chevelu que nous allons aborder.
L’alopécie androgénétique est due à un excès d’androgènes (hormones masculines). C’est une affection androgéno-dépendante héréditaire dans laquelle la dihydrotestostérone joue un rôle majeur. C’est la plus fréquente des alopécies. Elle commence au niveau des tempes, où les cheveux sont miniaturisés et progressivement remplacés par du duvet. Ce type d’alopécie concerne habituellement les hommes, mais peut également toucher les femmes, au moment de la ménopause ou à la suite d’un traitement par des androgènes.
La chute de cheveux est devenue une préoccupation majeure des Français. Aujourd’hui, environ 1 homme sur 4 est atteint d’alopécie androgénétique, et 3 français sur 4 (76%) déclarent des pertes de cheveux alors qu’ils n’étaient que 44% en 1990. Si 56% des Français (non atteints d’alopécie androgénétique) déclaraient ne pas du tout perdre leurs cheveux en 1990, ils ne sont plus que 24% en 2015 (1). En 25 ans, la chute de cheveux est donc passée d’un phénomène minoritaire à un véritable phénomène sociétal.
L’IA est une science informatique qui consiste à créer des programmes visant à reproduire la cognition humaine et les processus impliqués dans l’analyse de données complexes. Les innovations en intelligence artificielle qui ont vu ou sont en train de voir le jour, permettant des avancées technologiques majeures, laissent espérer, à terme, des progrès considérables dans l’avancée des traitements contre la chute de cheveux.
Le développement de nouveaux médicaments
Il existe des plateformes basées sur l’IA pour le développement et la découverte de nouvelles molécules. Des sociétés (coréenne, israélienne, hongkongaise, allemande ou encore américaine) ont par exemple développé des systèmes assistés par IA pouvant identifier de nouvelles cibles médicamenteuses pour des maladies non traitées. Ces systèmes peuvent aider au développement de nouveaux traitements et éventuellement prédire les performances de ces traitements dans les essais cliniques. Afin de réaliser ces prédictions, ces systèmes utilisent des bases de données regroupant d’innombrables informations concernant les essais cliniques déjà réalisés sur un sujet donné. À titre d’exemple (2), l’IA utilisée par l’une de ces sociétés a permis de condenser en seulement 18 mois le processus de développement préclinique de médicaments qui prend généralement plusieurs années et des centaines de millions de dollars, pour un coût total d’environ 2,6 millions de dollars, contre un investissement médian en R&D de 985 millions habituellement. L’idée est qu’avec le développement de ce type de méthodes utilisant l’intelligence artificielle, nous pouvons espérer que de nouveaux médicaments voient plus rapidement le jour et à des coûts amoindris pour traiter ou prévenir plus efficacement les problématiques liées à la chute de cheveux.
L’aide au diagnostic
Le CNN (Convolutional Neural Network)
L’intelligence artificielle a également permis de développer des modèles de diagnostics poussés, notamment en dermatologie, basés sur l’image et l’apprentissage de ces technologies d’IA.
Il existe des intelligences artificielles comme le CNN (Convolutional Neural Network) qui fonctionne concrètement comme le cerveau d’un enfant : pour le former, les chercheurs ont montré au CNN plus de 100 000 images de cancers cutanés malins et bénins et de grains de beauté avec le diagnostic médical associé à chaque image. Avec chaque image d’entraînement, le CNN a amélioré sa capacité à différencier les tumeurs bénignes et les lésions malignes : le « machine learning » s’avère extrêmement efficace pour ce type de technologies. Des dermatologues du monde entier ont été invités à participer à l’étude : ils ont comparé leurs capacités de diagnostics à cette IA. Finalement, le CNN a manqué moins de mélanomes, ce qui signifie qu’il avait une sensibilité plus élevée que les dermatologues, et il a diagnostiqué à tort moins de grains de beauté bénins comme mélanome malin, ce qui signifie qu’il avait une spécificité plus élevée ; cela entraînerait moins de chirurgies inutiles. Le CNN a donc surpassé les capacités de diagnostic des médecins (3).
Ces résultats ont montré que ces réseaux de neurones convolutifs d’apprentissage sont capables de surpasser les dermatologues, y compris des experts hautement qualifiés, dans la tâche de détection des mélanomes.
Les chercheurs n’envisagent pas que le CNN prenne le relais des dermatologues dans le diagnostic des cancers de la peau, mais qu’il puisse être utilisé comme une aide supplémentaire. Ce CNN peut aider les médecins impliqués dans le dépistage du cancer de la peau dans leur décision de biopsier ou non une lésion. À terme, cette technologie pourrait donc potentiellement assister les dermatologues dans diverses pathologies, y compris dans la mise en place de diagnostics liés au cuir chevelu. Les dernières technologies incluent des systèmes entièrement automatisés pour la détection et la mesure de la croissance des cheveux. De nouveaux systèmes basés sur l’apprentissage en profondeur ont été proposés pour le diagnostic du cuir chevelu et les mesures automatisées de la perte de cheveux, y compris des dispositifs pouvant être utilisés pour l’autodiagnostic.
Les chercheurs mettent cependant en évidence certaines problématiques qui devraient être résolues avant que l’IA ne devienne la norme dans les cliniques, notamment la difficulté d’imagerie de certains mélanomes sur des sites tels que les doigts, les orteils et le cuir chevelu, puis comment former suffisamment l’IA afin de reconnaître les mélanomes atypiques et ceux dont les patients n’ont pas connaissance.
Actuellement, rien ne remplace donc un examen clinique approfondi avec un dermatologue. Cependant, la photographie corporelle totale 2D et 3D est capable de capturer environ 90 à 95 % de la surface de la peau et compte tenu du développement exponentiel de la technologie d’imagerie, le diagnostic automatisé changera le paradigme du diagnostic en dermatologie. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre cette technologie passionnante en toute sécurité dans les soins cliniques de routine.
La trichoscopie digitale
La trichoscopie digitale est l’une des puissantes innovations utilisant l’intelligence artificielle. Cette nouvelle technique de diagnostic, à la fois simple et non invasive, peut être utilisée comme un outil pratique et rapide pour diagnostiquer les problèmes capillaires. Contrairement au trichogramme, cette technique ne requiert pas l’arrachage de cheveux.
Un technicien réalise des photos du cuir chevelu et des cheveux par vidéodermoscopie, puis, ces photos sont analysées par un logiciel d’IA qui mesure un certain nombre de paramètres comme : le nombre moyen de cheveux ; l’épaisseur moyenne de la tige du cheveu ; le nombre de cheveux fins, moyens, et épais ; le nombre d’unité folliculaires ; le nombre de follicules capillaires vides/tâches jaunes ; l’épaisseur cumulative des cheveux ou encore le nombre d’unités folliculaires. Cette innovation permet de déterminer la cause de la chute des cheveux du patient. C’est sur cette base qu’un diagnostic poussé et précis pourra être réalisé par un médecin spécialiste afin de décider d’un traitement adapté à chaque patient. Cet examen permet également de mesurer l’efficacité d’un traitement sur la chute de cheveux.
Cette innovation a fortement contribué à l’amélioration des traitements de la chute de cheveux car l’établissement d’un diagnostic extrêmement précis permet une prise en charge ultra-personnalisée de chaque patient, et une réponse médicale plus adaptée à leur problématique.
La greffe de cheveux robotisée
La greffe de cheveux robotisée est une méthode qui permet de procéder à une implantation capillaire similaire aux procédés traditionnels. Le robot gère l’intégralité du processus de greffe. Cette innovation utilise l’aide d’un médecin pour procéder en amont à une simulation permettant de projeter sur un écran le résultat souhaité par le patient. Le nombre de greffons nécessaires est alors calculé automatiquement par l’appareil. Le robot analyse le cuir chevelu le jour de la greffe, et détermine à l’aide de caméras, d’algorithmes et d’une intelligence artificielle le nombre de follicules à implanter. Il faut compter en moyenne autant d’heures pour exécuter ce type de procédure qu’avec les procédés conventionnels.
Si cette innovation est de loin l’une des plus impressionnantes de ces dernières années, elle n’est cependant pas encore aboutie et ne remplacera pas l’expertise, le savoir-faire et les mains expertes d’un chirurgien spécialisé dans les greffes capillaires et les problématiques liées au cheveu et au cuir chevelu.
1 – Source : sondage IFOP 2015 – Les Français et la chute de cheveux
2 – Source: Techcrunch.com – AI drug discovery platform Insilico Medicine announces $255 million in Series C funding, Emma Betuel, 22/06/2021.
3 – Source: ScienceDaily.com – Man against machine: AI is better than dermatologists at diagnosing skin cancer, European Society for Medical Oncology, 28 Mai 2018.